17/01/2016
Les animaux de mon enfance
Jacques Carbonnel, ancien professeur, est un poète occitan, qui a vécu son enfance à Rustiques au domaine de Canet. Voici un de ses très beau texte traduit de l'occitan :
J'ai vécu une partie de mon enfance , de 1940 à 1951, au domaine de canet à Rustiques. A cette époque la , il y avait beaucoup d'animaux, lapins, poules, canards, pigeons, brebis, chèvres, cochons, chevaux, chiens, chats. Il n'y avait pas que les animaux domestiques. Comme partout ailleurs on rencontrait aussi des rats, des souris, de gros lézards verts, des couleuvres, des écureuils, des perdraux, des lièvres et toutes sortes d'oiseaux.
Les bêtes m'attiraient, j'aimai les soigner, les toucher, les sentir.
Je passais les jeudis, les dimanches et les vacances à m'occuper d'elles, quand j'avais fait mes devoirs.
Je commençais le matin par donner du grain aux poules et je portais leur ration aux cochons. Ensuite j'allais traire les deux chèvres. Cela me prenait plus d'une heure.
Il fallait défumer les deux cochons qui avaient sali toute la paille mise la veille. La soue n'était pas loin du tas de fumier et je maniai la fourche gaillardement à l'époque. Ils mangeaient un plein seau à vendange d'une patée ou ma mère avait mis toutes les épluchures de légumes, le pain de reste et quelques pommes de terre pas très belles cuites ou crues. Je mélangeais grossièrement tout cela avec de l'eau chaude l'hiver et froide l'été. J'ajoutais deux ou trois poignées de farine d'orge ou d'avoine. Un mois avant de les assassiner nous leur donnions un litre de maïs à midi pour avoir un peu de gras dans les jambons.
Pour traire les chèvres je les faisais monter sur une murette de la bergerie et ainsi je n'avais pas à plier le dos.
Nous avions trente à quarante poules et quelques coqs qui chantaient de bonne heure le matin et parfois tard le soir avant d'aller se coucher à coté des poules qui leur avaient gardé ou non une place. Ces chants dépendaient du soleil. Je leur donnais de l'avoine, de l'orge, du blé selon les instructions de ma mère, je nettoyais les abreuvoirs, je récoltais les œufs et je regardais si tout allais bien, en particulier si aucun petit pigeon n'était tombé du pigeonnier car elles les dévoraient goulument.
Je m'occupais aussi des jeunes poulets et des petits poussins quand ils venaient de naître.
Qu'ils étaient jolis, jaunes ou noirs !
Parfois il y en avait un « cou nu » et j'allais vite le montrer à ma mère étonnée. D'où vient'il celui-là ? Disait'elle en ma regardant. Elle me soupçonnait d'avoir mis un œuf de « cou pelé » sous la « glousse ».
Ensuite nous prenions un grand sac avec mon frère, et nous allions chercher de ,'herbe pour les lapins. L'hiver nous ramassions des pissenlits, des chicorées sauvages, du ray-gras, de la rouquette blanche dans les vignes pas encore labourées, avec un gros couteau. L'été il n'y avait plus d'herbe et il ne fallait plus aller dans les vignes qui étaient sulfatées….. Alors nous coupions des branches d'amandier, d'acacia ou de saule et les lapins se régalaient. Ils rongeaient jusqu'au bois toutes ces branches qui ressemblaient à des squelettes d'animaux inconnus.
L'après-midi j'allais retrouver le berger qui marchait sur les collines entourant la métairie où se trouvait l'herbe qui plaisait aux brebis. Elles mangeaient tout ce quelles trouvaient, feuilles, brindilles, fruits, fleurs et quand elles avaient encore faim, pour se remplir la panse, elles broutaient l'herbe sèche qu'elles avaient laissé la veille. Elles n'étaient pas bien grasse parce qu'il y avait souvent la sècheresse dans les années 1940.
Nous gardions le foin et le fourrage pour les chevaux. Alors quand elles rentraient le soir, si elles pouvaient échapper au berger et au chien, elles se ruaient dans une vigne ou un jardin et elles raclaient tout.
Les animaux que j'aimais le plus étaient les chevaux. Quand je rentrais dans l'écurie, le soir, ils venaient de boire, ils mangeaient leur avoine, ils avaient de la paille fraîche jusqu'aux genoux, seules leurs queux remuaient , on n'entendait que le bruit des chaines et des mâchoires. Je m'arrêtais au milieu et je les regardais comme si je ne les avais jamais vu. Chaque fois j'étais ému sans savoir d'où venait cette émotion qui me donnait la chair de poule. De leur beauté, de leur force tranquille, de leur reconnaissance ?
J'aimais voir travailler ces chevaux, quand ils labouraient avec le brabant, quand ils tiraient une charrette chargée dans une forte pente, quand ils moissonnaient avec la grosse moissonneuse et qu'il fallait en atteler trois de front.
J'aimais ces moments où les hommes et les bêtes s’excitaient pour vaincre toutes ces difficultés. Quand ils s'en sortaient les hommes leur tapotaient vigoureusement la joue, la cuisse ou le cou.
….Les chiens me plaisent quand ils travaillent, quand ils gardent les brebis, les vaches ou la maison, quand ils chassent. C'est un plaisir de les voir et de les entendre quand ils poursuivent un lièvre.
Je n'aime pas les animaux de compagnie, surtout quand ils vivent dans un appartement. Quand on les promène, souvent attachés, ils s'emmerdent autant que leur patron qui les soigne comme s'ils étaient des poupons….
« Il faut aimer les animaux disait grand-mère, mais il ne faut pas les confondre avec les chrétiens ». Je suis d'accord avec elle.
Jacques Carbonnel poète occitan
09:11 Publié dans animaux, Rustiques autrefois | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
Les commentaires sont fermés.